69 – Le temple de la Villeneuve à La Rochelle (1630-1685) 1/2

En 1628, les protestants sont expulsés du Grand Temple qu’ils avaient élevé sur la place du Château pour en conférer la jouissance aux paroissiens de Saint-Barthelémy. En compensation, Louis XIII leur concède un terrain dépendant des anciennes fortifications, à l’extrémité est de la ville de La Rochelle, secteur appelé « la ville neuve ». Il leur promet une indemnité de 6 000 livres pour les « aider à faire les frais d’un nouveau temple »… somme qui ne leur fut jamais payée[1] !

Extrait. Plan de La Rochelle. Emplacement du temple de la « ville neuve ». (Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 23)
Extrait. Plan de La Rochelle. Emplacement du temple de la « ville neuve ».
(Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 23)

En même temps, le roi leur autorise à continuer leurs exercices religieux dans la salle Saint-Yon jusqu’à ce que le temple de la Villeneuve soit terminé. Les fonds promis par le roi faisant défaut, les protestants sont autorisés à faire une quête « sur les habitants de la ville de la religion prétendue réformée »[2]. C’est grâce aux deniers ainsi recueillis que va s’élever le prêche de la Villeneuve, qui a donné son nom à la rue (rue du Prêche) où il est situé, moins vaste et bien plus simple que le Grand Temple[3].

Le prêche (A) de la Villeneuve avait 17 toises de longueur sur 9 de longueur hors œuvre. Il n’était ni tillé, ni voûté et n’avait qu’une simple charpente couverte en tuile creuse. Il y avait joignant, la bibliothèque, le Consistoire et autres bâtiments pour les offices du temple et derrière un bois où était leur cimetière (B). Le tout enceint de bonnes murailles au milieu d’une grande place (D). (Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuilles 26 et 76)
Le prêche (A) de la Villeneuve avait 17 toises de longueur sur 9 de longueur hors œuvre. Il n’était ni tillé, ni voûté et n’avait qu’une simple charpente couverte en tuile creuse. Il y avait joignant, la bibliothèque, le Consistoire et autres bâtiments pour les offices du temple et derrière un bois où était leur cimetière (B). Le tout enceint de bonnes murailles au milieu d’une grande place (D).
(Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuilles 26 et 76)

Le manque de parole et la difficulté de se procurer les fonds nécessaires ont sans doute retardé le moment de la construction, car ce n’est que le 3 avril 1630 qu’est passé, devant le notaire rochelais Jacques Cousseau, le traité par lequel Pierre Favreau, maître maçon et tailleur de pierre, s’engage envers les fondés de pouvoir[4] du Consistoire à faire tous les ouvrages de maçonnerie[5].

Plan du prêche de La Rochelle. Figure 4. Élévation du temple du côté du cimetière pris par la ligne du plan AB. Figure 8. Élévation du temple pris du côté de l’entrée par la ligne CD. Figure 10. Élévation du temple du côté du canal de Maubec pris par la ligne EF. Voir plan ci-dessus. (Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 76)
Plan du prêche de La Rochelle.
Figure 4. Élévation du temple du côté du cimetière pris par la ligne du plan AB. Figure 8. Élévation du temple pris du côté de l’entrée par la ligne CD. Figure 10. Élévation du temple du côté du canal de Maubec pris par la ligne EF. Voir plan ci-dessus.
(Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 76)

Il est alors stipulé, raconte Jourdan, que les murailles de l’enceinte, au milieu de laquelle sera élevé le temple, auront 25 toises de longueur, 20 toises de largeur et 2 toises de hauteur, avec trois portes dont la principale, assez large pour laisser entrer un carrosse. De plus,

  • les murs du temple auront 100 pieds de long, 50 de large et 26 pieds de haut;
  • la grande porte, regardant l’ouest, sera ornée de pilastres et de corniches dans une largeur de huit pieds et sera surmontée des armoiries du roi[6], de celles du gouverneur et de telles autres, si requis;
  • deux portes plus petites seront ouvertes du côté sud et une du côté nord;
  • un corps de logis sera construit, entre le mur d’enceinte et le temple, de 18 pieds de large, avec les ouvertures nécessaires;
  • un puits sera creusé dans la préclôture, etc.
Profil du temple coupé par le milieu. (Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 76)
Profil du temple coupé par le milieu.
(Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 76)

Pour la somme de 7 000 livres, les travaux devront être terminés à la fête de la Saint-Michel suivante, à peine de tous dommages et intérêts. Le 10 avril suivant, les mêmes délégués du Consistoire traitent avec le charpentier Mezereau pour confectionner la charpente de l’édifice, faire le plancher, les galeries et les bancs desdites galeries en forme d’amphithéâtre, les bancs et sièges tant du bas que du haut, un banc à dossier tout autour du temple, trois bancs à dossier de chaque côté de la chaire et un petit parquet devant la chaire, plus deux escaliers pour monter aux galeries à « reposoirs », « accoudoirs » et « balustres », le tout de chêne.

Plan particulier du temple de la Villeneuve. (Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 76)
Plan particulier du temple de la Villeneuve.
(Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 76)

Le charpentier Mezereau s’engage en outre à poser aux endroits désignés le banc à dossier pour les magistrats et les deux bancs pour les dames (qui se trouvent dans la salle Saint-Yon). Il doit encore faire les portes du temple et de la préclôture et trois auvents au-dessus des trois principales portes du temple, plus une petite galerie allant de la porte du côté nord jusqu’au corps de logis du même côté. Le tout pour la somme de 7 300 francs, avec engagement que les travaux seront achevés le jour de la Toussaint[7].

En résumé, la charpente avait coûté 7 350 livres, le pavé 313 livres, 12 sols, 9 deniers, et le bâtiment de la bibliothèque 991 livres, 5 sols, 4 deniers[8].

C’est le dimanche 3 novembre 1630 que se tient le premier prêche dans le temple de la Villeneuve. L’annonce en est faite dans le premier registre des baptêmes, réceptions et mariages du temple :

Source : AD17 en ligne. I 169 (I 33). La Rochelle. Collection du greffe. Baptêmes, réceptions et mariages. 1630-1632. Vue 2/87.
Source : AD17 en ligne. I 169 (I 33). La Rochelle. Collection du greffe. Baptêmes, réceptions et mariages. 1630-1632. Vue 2/87.

 

Livre pour tenir Memoire _
des Enfans qui seront batizes En _
Leglize de dieu, Ensemble Le nom _
de ceulx qui y espouseront Commence _
Le 3 Novembre 1630, Qui eSt Le Jour _
Que lon Commenca a precher en Le temple _
Neuf de La ville neuve Et la premiere _
action fut faicte par Monsieur de Loumeau _
A La fin du Livre sont EnregiStres _
Les mariages, au Commencement Les _
BateSmes faict Le Jour Et an que dessus. _
Signé : Georges (paraphe) antien.

 

Pendant ce premier prêche, le pasteur Samuel Loumeau[9] va célébrer un baptême[10] et un mariage[11] dans son nouvel édifice. La première réception (dans la religion prétendue réformée) a lieu le 29 novembre suivant [12], alors qu’on enregistre la première sépulture le 25 septembre 1631[13].

De 1628 à 1661, raconte Tessereau[14], les Réformés rochelais jouissent paisiblement de la liberté publique de leurs assemblées. Ils sont heureux et contents de leur état. Cette liberté est interrompue en juillet 1684… par l’emprisonnement de leurs ministres…

Aujourd’hui, c’est la chapelle de l’hôpital Saint-Louis qui occupe à peu près l’emplacement du temple de la Villeneuve. (Source : GoogleEarth)
Aujourd’hui, c’est la chapelle de l’hôpital Saint-Louis qui occupe à peu près l’emplacement du temple de la Villeneuve.
(Source : GoogleEarth)

 


[1] J.-B.-E. Jourdan, Éphémérides historiques de La Rochelle, La Rochelle, A. Siret, premier volume, 1861, p. 421.
[2] Émile Couneau, La Rochelle disparue, La Rochelle, Alain Thomas, tome IV, 1999, p. 373.
[3] J.-B.-E. Jourdan, op. cit., p. 421.
[4] Le Consistoire avait chargé MM. Tinault, Bonnin, Périer et Dupourtault, anciens et diacres de l’église réformée, de faire les traités nécessaires pour « bâtir et construire un Temple en la ville neuve, en la place qui a été marquée et désignée par Mgr de la Thuillerie ». J.-B.-E. Jourdan, Éphémérides de La Rochelle, La Rochelle, A. Siret, deuxième volume, 1871, p. 126.
[5] Loc. cit.
[6] L’historien Jourdan se demande si ce ne serait pas l’écusson aux armes de France et de Navarre qui a été retrouvé dans la muraille de la chapelle de l’hôpital Saint-Louis et qui a été replacé au-dessous de la rosace de la façade. J.-B.-E. Jourdan, op. cit., p. 126.
[7] Ibid., p. 127.
[8] M. De Richemond, « Anciennes églises et lieux de culte des Réformés à La Rochelle » dans Bulletin, SHPF, vol. 7, 8 et 9, juillet-septembre 1895, p. 370.
[9] Il a, semble-t-il, commencé sa carrière comme médecin, mais son origine reste inconnue. Son ministère à La Rochelle est exceptionnellement long, puisqu’il s’étend d’avril 1594 à novembre 1630. Il épouse Marie Hamelot entre 1596 et 1602. Ils ont deux filles. Cultivé et fin, il était un fervent de botanique. Étienne Trocmé, « L’Église réformée de La Rochelle jusqu’en 1628 » dans Bulletin, SHPF, vol. 29, juillet-septembre 1952, p. 161-162.
[10] Fille de Jacques Chaigne, de La Flotte (île de Ré) et d’Ester Boisdé, Marguerite est baptisée le 3 novembre 1630 (née le 25 octobre) dans le temple de la Villeneuve.
[11] Charles Salmon et Marie Gariteau, de La Rochelle, s’unissent le 3 novembre 1630 dans le temple de la Villeneuve. Leur billet est signé Jehan de Hinsse, ancien.
[12] Prêtre en l’église romaine, Honoré Plan est reçu le 29 novembre 1630 en l’église de Dieu au temple de la Villeneuve par Monsieur de Loumeau.
[13] Demoisellelle Marthe Depicasarry, âgée de 60 ans, épouse de Monsieur Delagoutte, conseiller du roi au siège présidial de La Rochelle, est enterrée le 25 septembre 1631 dans le cimetière de la Villeneuve.
[14] Abraham Tessereau, Histoire des Réformés de La Rochelle depuis l’année 1660 jusqu’à l’année 1685, Amsterdam, veuve Pierre Savouret, 1689, p. 307-308.

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